vendredi 29 septembre 2017

Happy End : Faute d'amour


Après Funny Games et le mal nommé Amour, Michael Haneke poursuit sa série des titres ironiques avec Happy End, instantané d'une famille calaisienne dysfonctionnelle face à la crise des migrants. Une charge vaguement pince-sans-rire contre la bourgeoisie et, comme il est de coutume chez ce cinéaste, contre l'humanité en général (visiblement bien laide). Hip hip hip, hourra...

Fantine Harduin, Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert,
Laura Verlinden, Toby Jones et Mathieu Kassovitz

Voilà déjà une paire d'années que Michael Haneke nous culpabilise à grands coups de règle sur les doigts, en nous faisant croire que les scénarios sadiques qu'il imagine sont en réalité les nôtres. Ici évidemment, les personnages sont odieux, dénués de sentiments : tout le monde se ment et personne ne s'aime (comme en témoigne cette réplique de la jeune Fantine Harduin : « Tu n’aimais pas maman. Tu n’aimes pas ta femme, tu n’aimes pas cette Claire et tu ne m’aimes pas non plus »). Cette fois-ci cependant, la pilule passe mieux, puisque notre ami misanthrope s'essaie à la comédie noire. Non pas que son long-métrage soit hilarant (faut pas déconner non plus), mais il y trouve un ton grinçant somme toute assez rafraîchissant, qu'il manquait peut-être à sa filmographie afin qu'elle devienne un tant soit peu supportable.

De ce fait, on a plus de facilité à accepter les névroses exacerbées des personnages (notamment l'invraisemblable dépression d'une petite fille qui exécute son cochon d'Inde dès la scène inaugurale), ainsi que le style très théâtral du cinéaste, avec ses dialogues trop écrits, ses voix désincarnées et ses décors d'une bourgeoisie morbide. Par ailleurs, à cela vient s'ajouter une contemporanéité aussi cocasse qu'inattendue, à travers une mise en scène protéiforme qui convoque non seulement Facebook et Périscope, mais également YouTube, Chandelier de Sia ou encore Fréro Delavega (ça ne s'invente pas). À l’instar des écuries Marvel et DC Comics, Amour et Happy End amorcent même la création d'un « Haneke Cinematic Universe », c'est dire si le cinéaste est la pointe de la modernité...

Fantine Harduin

Plus sérieusement : l'ensemble, sauvé de justesse par la pointe d'ironie, donne donc un portrait peu jovial de famille à l'ère d'internet, où tout n'est que mensonges, désamour et pensées suicidaires. Certaines séquences, notamment celles filmées à l'iPhone, ne manquent pas d'ingéniosité, mais le constat de notre société demeure assez lourdaud et l'aspect comique, bien trop réprimé, ne suffit pas à dynamiser la mollesse de cette provocation hanekienne (à tel point qu'Isabelle Huppert, dont le personnage nous rappelle furtivement son rôle dans Elle, nous fait regretter l'humour ravageur de Paul Verhoeven lorsqu'il se moquait de parisiens aisés dans ce chef-d’œuvre de l'année passée).

Mais là où le film passe de simplement « mi-chèvre mi-chou » à « foncièrement agaçant », c'est dans sa manière de passer à côté de son sujet (à savoir la crise des migrants mentionnée dans la note d'intention : « Tout autour le Monde et nous au milieu, aveugles »), jusqu'à une conclusion désinvolte, voire indécente, qui réduit la situation des réfugiés à une sorte de « blague » d'un goût douteux. S'ensuit un coup de théâtre censé nous faire comprendre que la solution à tous les tracas de nos vies insignifiantes n'est autre que... La mort. Et vous, ça va sinon ?


★★★

Date de sortie : 4 octobre 2017
Réalisation, scénario : Michael Haneke
Genre : Drame
Nationalité : Français, autrichien, allemand

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